- Platon et Aristote dans l'Ecole d'Athènes


Platon , Aristote et l'École d'Athènes de Raphaël


Ce débat philosophique sans parole porte sur la question de savoir où se situent la vérité et le réel. Le doigt levé de Platon montre le ciel, lieu des Idées, alors qu'Aristote désigne l'ici-bas, le monde que nous découvre l'expérience sensible, où les formes ne sont pas séparées des choses.

Replaçons ce débat dans le contexte pictural de l'École d'Athènes de Raphaël.

Raphaël a peint cette imposante composition pendant les années 1509-1510. Il y a placé les personnages les plus importants de la philosophie grecque de l'Antiquité; ils symbolisent la recherche du vrai par la raison humaine.

L'École d'Athènes se trouve dans la "Chambre de la Signature" au Palais du Vatican. À défaut de la visiter, on peut la voir en détail sur le site Christus Rex dont les images sont de belle qualité. Pour identifier quelques-uns des personnages, rendez-vous sur le site Athena.

La décoration de la "Chambre de la Signature" a commencé une année après celle de la Chapelle Sixtine par Michel-Ange. Il s'agissait de deux commandes du pape Jules II pour deux endroits aux fonctions évidemment différentes: liturgiques pour la Chapelle, judiciaires pour la Chambre, qui devait servir de tribunal. L'ambition de Raphaël était de composer une vaste synthèse: celle de la pensée antique d'une part et, en face, celle de la pensée chrétienne et humaniste, dans La Dispute du Saint-Sacrement (qui est en réalité une Adoration du Saint-Sacrement). Bref, illustrer «l'accord entre le monde antique et la spiritualité chrétienne» selon Chastel.

Les deux parois restantes complètent la synthèse; l'une est consacrée à la justice (tout de même, il s'agit d'une salle de tribunal), qui est représentée par les trois vertus cardinales: la Force, la Prudence et la Tempérance, qui personnifient le Bien; les petis génies ailés qui les entourent représentent les trois principales vertus chrétiennes: la foi, l'espérance et la charité. Le Parnasse (attention, l'image fait 330k), sur l'autre paroi, symbolise la Poésie.

La Chambre de la Signature apparaît ainsi comme le symbole d'une synthèse à laquelle on a cru pendant quelques années. Tout d'abord, l'Eglise de Jules II se pensait investie d'une double mission spirituelle et temporelle. Mais aussi, plus profondément, on a voulu célébrer l'accord de la foi et de la raison, et, plus largement, du monde chrétien et du monde païen. Voilà pourquoi, dans la même salle, se côtoient des éléments aussi différents que des scènes de l'histoire biblique (le péché d'Adam et Eve, le jugement de Salomon), des épisodes tirés de la mythologie classique (Apollon et Marsyas), des activités intellectuelles de l'homme à la recherche de la vérité (les philosophes de l'Ecole d'Athènes) et les vertus de la tradition chrétienne (La Dispute du Saint-Sacrement). Le tout est placé dans un contexte cosmologique qui conjugue le Premier Moteur aristotélicien avec la compréhension néoplatonicienne de Dieu. Pour Plotin, en effet, tout procède de Dieu, le Principe surpême, qu'il appelle l'Un (comme les rayons lumineux émanent de la source de lumière et finissent par se perdre dans l'obscurité de la matière identifée au Mal). Le salut est alors dans la remontée vers la Lumière de l'Un par l'arrachement à la multiplicité et au divers.

Dans son livre sur Raphaël (Firenze, 1977), Bruno Santi propose le schéma suivant (qui fait intervenir des illustrations qui ne sont pas toutes disponibles ici) :

La théologie, la philosophie, la poésie et la justice sont encore les sujets de 4 médaillons dans le plafond.

Pour voir d'autres oeuvres de Raphaël, cliquez ici.

Cette grande synthèse - et cela me frappe particulièrement - va voler en éclats quelques années seulement après sa mise en oeuvre. La peinture des fresques de Raphaël vient à peine de sécher quand, en 1512, Luther travaille à mettre au point sa doctrine du salut par la foi, doctrine qu'il affirmera avec éclat en 1517 par l'affichage de ses 95 thèses. La Réforme proprement dite commencera dès 1520, mettant fin à la belle unité représentée par la Chambre de la Signature.

Jean-François Jobin, juin/juillet 1999.

 

 

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